Hôtel SAWA Douala, 17 mars 2016 à 10 heures
Excellence, Monsieur le Ministre des transports,
Monsieur le Gouverneur de la Région du Littoral,
Monsieur le Préfet du Wouri,
Monsieur le Délégué du Gouvernement auprès de la Communauté Urbaine de Douala,
Messieurs les Chefs de juridictions, Procureur général, procureurs de la République et Magistrats en vos rangs et grades respectifs,
Mesdames et Messieurs les Directeurs généraux,
Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats au Barreau du Cameroun,
Mes chers Confrères,
Distingués invités,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais d'entrée de jeu, en ma qualité de Président de l'Association Camerounaise du Droit Maritime - en abrégé ACDM, vous souhaiter très chaleureusement
la bienvenue à cette première Assemblée générale ordinaire qui consacre l'existence opérationnelle de ladite Association.
La présence du Ministre des transports à ces assises démontre, à suffisance de preuve, le soutien et l'intérêt que le Gouvernement de la République porte
à cette initiative. Qu'il en soit ici vivement remercié par ma modeste voix et sache que l'Association mettra toutes voiles dehors pour mériter sa confiance.
L'Association Camerounaise du Droit Maritime a vu le jour le 28 avril 2015, après une longue période de gestation qui a duré plus d'une décennie, à la suite de
l'Assemblée générale constitutive qui s'est tenue à l'immeuble siège du Conseil National des Chargeurs du Cameroun.
Mais, l'acte de naissance officiel de l'Association ne date que du 3 décembre 2015, date à laquelle Monsieur le Préfet du département du Wouri, auquel je rends hommage
en passant, a délivré le récépissé de déclaration, ce sésame ô combien important à la vie de l'Association, puisqu'il confère
à cette dernière la personnalité juridique et, par voie de corollaire, son existence officielle.
C'est à l'évidence la question que se posent plusieurs d'entre vous, pour certains sans pouvoir y répondre, pour d'autres sans être sûrs de la réponse.
Pour appréhender l'essence de l'Association Camerounaise du Droit Maritime, il apparaît séant de comprendre préalablement la notion de droit maritime.
S'agissant d'une matière polymorphe, la définition du droit maritime est nécessairement plurielle. Dans "Critias", Platon écrivait : "il y a trois sortes d'Hommes,
les Morts, les Vivants, et Ceux qui vont en Mer". Pour ces derniers, pas encore morts mais plus tout à fait vivants, le droit maritime incarne un système original gouverné
par son propre corpus de normes et ses propres institutions.
Conçu à travers les siècles pour répondre à des questions dont l'originalité provient du risque inhérent à la surface des mers, le droit maritime
désigne précisément l'ensemble des situations juridiques exposées aux risques de la mer. Depuis la nuit des temps, on a considéré que les conditions de la
navigation sur la mer, et tout spécialement les risques qui y sont attachés, imposaient des règles particulières. En effet, la mer n'est pas, pour l'homme, un milieu
naturel.
S'agissant de protéger tout à la fois l'homme des périls de la mer et la mer des activités humaines, des règles juridiques spécifiques, sans objet sur terre
mais nécessaires en mer, ont été mises en oeuvre afin d'y réguler la présence humaine, qu'elle soit justifiée par la volupté des flots, le goût
du risque, le sens du devoir ou l'appât du gain.
Le droit maritime est donc, au sens large, l'ensemble des règles de droit positif gouvernant l'activité humaine en mer. Au sens strict, le droit maritime est une branche du droit
privé largement teinté de droit commercial dont la plupart des règles tient uniquement aux contraintes de la vie en mer ou aux caractéristiques du navire
(meuble destiné à circuler constamment entre des ports de nationalité différentes et dans des espaces échappant à toute souveraineté).
Ces règles ne sont pas plus commerciales que civiles : elles sont simplement maritimes.
Ainsi défini, le droit maritime se distingue du droit de la mer, lequel est l'ensemble des règles de droit positif régissant le statut juridique des mers et des océans
en tant qu'espaces politiques et économiques plus ou moins ouverts à la communauté internationale : ce droit de la mer ne concerne notre Association qu'indirectement ;
il relève traditionnellement du droit public et, plus précisément, du droit international public et propose un découpage des surfaces et profondeurs océaniques
en fonction de la possibilité pour les Etats composant la communauté internationale d'y exercer juridiction ou souveraineté. Longtemps coutumier, le droit de la mer est
aujourd'hui régi par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CMB), dite Convention de Montego Bay, cependant que le droit maritime est régenté par une foultitude
de conventions internationales. Adoptée le 10 décembre 1982 à Montego Bay en Jamaîque, à l'initiative des pays en développement, qui dans les années
1970 ont remis en cause les fondements libéraux traditionnels du droit de la mer, cette convention est entrée officiellement en vigueur le 16 novembre 1994. A l'époque actuelle,
ce nouveau corpus est considéré comme assez fidèlement représentatif de la coutume internationale régissant les espaces océaniques et rassemble
167 Etats, dont la plupart des Etats maritimes à l'exception notable des Etats-Unis. Le Cameroun y est partie, pour l'avoir ratifié le 19 novembre 1985, ainsi que tous les autres
pays de la CEMAC.
Ce point étant élucidé, l'Association Camerounaise du Droit Maritime naît du besoin évident, voire lancinant, de promouvoir et de vulgariser de façon
significative, au Cameroun et dans la sous-région de l'Afrique centrale, le droit maritime, discipline pluridimensionnelle à vocation essentiellement internationale qui, comme je
l'ai signalé tantôt, se caractérise par une prolifération normative ne favorisant pas la sécurité juridique des transactions, laquelle constitue,
de nos jours, un véritable principe général de droit.
En effet, uniquement pour les transports maritimes internationaux, cohabitent, de façon conflictuelle, trois grandes conventions internationales, à savoir la Convention de Bruxelles
de 1924 - dite "Règles de La Haye" - et ses deux protocoles modificatifs de 1968 et 1979, et les "Règles de Hambourg" de 1978. A cette mosaîque disparate, s'est
ajoutée récemment une nouvelle strate : la Convention des Nations Unies relative au contrat de transport international de marchandises effectué entièrement ou
partiellement par mer adoptée le 11 décembre 2008 à New York. Communément désignée sous l'appellation de "Règles de Rotterdam",
cette convention a pour vocation de mettre un terme au désordre normatif actuel, en offrant les conditions d'un meilleur ordre maritime international, en particulier par le
rétablissement de l'équilibre tant recherché entre les intérêts des chargeurs (pays en développement) et ceux des transporteurs
(pays développés), et par la modernisation profonde du droit des transports maritimes à travers son adaptation aux nouvelles pratiques émergentes de la chaîne
logistique (conteneurisation, transport multimodal, contrat de volume...) et aux nouvelles technologies de l'information et de la
communication (documents électroniques de transport).
La Convention de Rotterdam a été signée, le 23 septembre 2009, par le Cameroun et par certains pays économiquement importants sur le plan mondial, à l'instar des
Etats-Unis d'Amérique qui l'avaient impulsée, de la France, des Pays-Bas, de l'Espagne, du Danemark, de la Grèce, de la Suisse, de la Pologne..., mais elle n'est pas encore
entrée en vigueur en raison d'un déficit de ratifications. Si cette convention venait à recevoir l'onction de la communauté maritime internationale, elle ferait
assurément disparaître l'imbroglio législatif actuel. Cette embellie n'est pas pour demain cependant, vu le peu d'empressement mis par les Etats à la ratifier ou à
y adhérer.
En l'état de la complexification sans cesse croissante du droit maritime international, la mise en place d'une entité privée au Cameroun, destinée à en assurer
la promotion et la diffusion, était devenue quasi-incontournable. D'autant plus que la plupart des échanges commerciaux au Cameroun s'effectue par voie maritime. C'est ainsi qu'entre
2010 et 2015, 53 879 244 tonnes de marchandises ont transité par le port de Douala, étant précisé que les données statistiques du quatrième trimestre de
l'année 2015 ne sont pas pris en compte (source : Service des statistiques du CNCC). Du reste, la situation géographique du Cameroun constitue un excellent atout, avec une importante
façade maritime et le port de Douala, porte d'entrée et de sortie économiques de notre triangle national, mais aussi plateforme de transit pour les pays enclavés,
sans littoral que sont le Tchad et la République Centrafricaine.
Cet atout se trouvera davantage renforcé avec la mise en service prochaine du port en eau profonde de Kribi, lequel intègre parfaitement le gigantisme qui caractérise l'armement
maritime moderne avec la construction des méga porte-conteneurs, des ULCS (Ultra Large Carrier Ships) pouvant transporter jusqu'à 14 000 TEU (Twenty Equivalent Unit - Equivalent
Vingt Pieds), à l'instar du "MSC Béatrice", voire 16020 TEU, à l'exemple du "Marco Polo", l'un des plus grands porte-conteneurs mis récemment en service par la
compagnie CMA CGM, laquelle est valablement représentée dans notre pays par son agence commerciale dénommée CMA CGM Cameroun.
Cela dit, l'Association Camerounaise du Droit Maritime est une association à but non lucratif régie par la loi n° 90/053 du 19 décembre 1990 portant liberté d'association.
C'est une organisation de droit privé indépendante dont le siège est provisoirement fixé à Bonanjo, Centre des Affaires Maritimes, 3e étage Immeuble
Grande Hauteur (IGH), au Conseil National des Chargeurs du Cameroun à Douala. L'Association fonctionne au moyen d'un organe exécutif, le Comité de Direction constitué
de douze membres, et d'un organe d'expression collectif, l'Assemblée générale des membres titulaires qui est l'instance suprême de l'ACDM.
L'Association Camerounaise du Droit Maritime a essentiellement pour objet l'étude des questions de droit maritime et des activités connexes. Elle se propose précisément
de travailler, par tout moyen approprié, au développement et à la promotion, au Cameroun, en zone CEMAC et OMAOC (Organisation Maritime de l'Afrique de l'Ouest et du Centre),
et même sur le plan international, de toutes les activités maritimes, notamment par la diffusion des publications scientifiques, l'organisation et la participation à des
conférences, cours, concours, stages, séminaires.
Relativement à ce point, il est expédient de relever que, le 29 juin 2015, l'Association Camerounaise du Droit Maritime a participé à Paris, par la médiation de
son Président et de son Secrétaire général, à la XXIIIe "Journée Ripert" organisée par l'Association Française de Droit Maritime (AFDM) et,
à cette occasion, a fait connaître son existence. En effet, depuis 1993, l'Association Française de Droit Maritime organise, chaque année, un séminaire d'une
journée consacré aux problèmes d'actualité du droit maritime. Cette manifestation intellectuelle réunit juristes et non juristes intéressés
par l'évolution de cette branche du droit, à la fois sous ses aspects nationaux, communautaires et internationaux. De même, toujours à travers son Président
et son Secrétaire général, l'Association Camerounaise du Droit Maritime a été valablement représentée au séminaire international sur les
aspects juridiques et logistiques de l'acheminement des marchandises tenu à Abidjan en Côte d'Ivoire, les 19 et 20 janvier 2016, séminaire co-organisé par l'OMAOC et
l'Association Française de Droit Maritime.
Au surplus, pour donner le ton relativement aux activités futures de l'Association, seront donnés, au cours de cette assemblée, deux communications, d'une importance cardinale,
sur les thèmes suivants :
La position du Cameroun à l'égard du droit maritime international (Dr Joseph NGUENE NTEPPE, Secrétaire général)
Les réformes apportées au droit maritime de l'Afrique centrale par le Code communautaire de la marine marchande de 2012 (Me Gaston NGAMKAN, Président).
L'Association Camerounaise du Droit Maritime se fixe aussi pour mission de coopérer avec les instances internationales, régionales, sous-régionales, communautaires et
nationales en charge de l'élaboration et de l'unification du droit maritime, à l'instar du Comité Maritime International (CMI), de l'Organisation Maritime Internationale
(OMI), de la CEMAC, de l'OMAOC, de l'Association Française du Droit Maritime et tous autres organismes avec lesquels elle juge à propos d'entrer en relation, en vue de
l'harmonisation et de l'amélioration des législations maritimes dans la sous-région d'Afrique centrale, en particulier, et sur le plan international, en général.
J'ai parlé, à l'orée de mes propos, de la longue gestation ayant présidé à la parturition de l'Association Camerounaise du Droit Maritime. En effet,
comme pour toute structure innovante, la naissance de l'Association a été émaillée de nombreuses tribulations en raison notamment de la réticence originelle
de l'Administration qui mal y pensait, n'ayant vraisemblablement pas perçu, à sa juste mesure, la portée exacte des objectifs de l'Association, croyant que ceux-ci relevaient
de la compétence de certaines institutions publiques. Que l'Administration - ici représentée par Monsieur le Ministre des transports - soit définitivement rassurée
sur les motivations et intentions réelles des pères fondateurs de l'Association, lesquels n'ont jamais nourri la moindre pensée homicide à l'endroit de l'Autorité
de l'Etat ou de l'une quelconque de ses institutions. Il ne s'agit guère, au vrai, que d'une association à but intellectuel et scientifique qui entend mutualiser les compétences
dans le domaine du droit maritime afin de mettre sa science juridique à la portée de ses membres et même de l'Etat, s'il le souhaite. Ainsi, l'ACDM se tient prête à
apporter ses lueurs au Ministère des transports sur toutes questions relevant de son objet. Au surplus, aux termes de l'article 3 de ses statuts, l'Association Camerounaise du Droit Maritime
s'interdit formellement toute activité à caractère politique, racial ou religieux.
Cette parenthèse fermée, la traversée n'a pas été de tout repos pour le navire "ACDM", ayant été perturbée par de nombreux roulis et tangages,
avec des vagues atteignant parfois 20 mètres de hauteur et des vents de force 12 à l'échelle de Beaufort. On observera au passage que l'échelle de Beaufort ne comporte
que 12 niveaux. Or, en l'occurrence, les niveaux 11 et 12 ont quelques fois été atteints. Les fortes tempêtes essuyées, chemin faisant, nous ont contraints, à un
certain moment, à réduire la vitesse, ce qui n'a pas moins entraîné le désarrimage des conteneurs et remorques chargés sur le pont, bien que l'arrimage
fût sans reproche. La puissance de la houle a fini par percer un réservoir de ballast. Nonobstant leur qualité de professionnels de la navigation, le capitaine du navire "ACDM"
et son équipage ont cruellement souffert du mal de mer, dû à la fortune de mer. Le gros temps a été parfois si irrésistible que le timonier s'est
demandé s'il ne fallait pas jeter les canaux de sauvetage en mer et quitter le bâtiment avant qu'il ne disparût corps et biens dans les profondeurs de la mer. Mais, faisant
preuve de détermination et de courage, le capitaine et son équipage ont fini par trouver une zone de refuge, dans la zone maritime autour du Golfe de Guinée, en attendant que
le tsunami, l'ouragan se calme. Dans la foulée de ses multiples embardées provoquées par la marée montante, le navire "ACDM" a été abordé par
celui de l'Administration piloté par le Préfet du Wouri. Le Directeur des Affaires Maritimes et des Voies Navigables (DAMVN) a rechigné à ouvrir une enquête
nautique, son objectivité et son impartialité, en tant qu'émanation de l'Etat, étant mises à rude épreuve. Le capitaine a imaginé de déclarer
le navire "ACDM" en avaries communes afin de faire supporter les dommages subis par la constellation des intérêts engagés dans cette aventure maritime, mais les conditions n'en
étaient pas réunies, hélas, puisque l'incident ne résultait pas d'un acte volontaire du capitaine fait pour le salut commun du navire et des marchandises chargées
à bord. Qui pis est, ces cargaisons n'étaient pas couvertes par une assurance facultés, alors même que la loi n° 75/14 du 8 décembre 1975, complétée
par le décret n° 73/234 du 6 août 1975, rend obligatoire, au Cameroun, l'assurance des marchandises ou facultés à l'importation, notamment lorsque la valeur FOB de
celles-ci excède 500 000 F CFA. Ce défaut d'assurance a eu des corollaires néfastes sur la responsabilité du capitaine du navire "ACDM", alors même qu'en sa
qualité de simple préposé de l'armateur il bénéficie d'une immunité judiciaire en vertu de l'arrêt "Costedoat", et a fragilisé, au-delà
de toute expression, la situation des ayants droit aux marchandises chargées à bord, confirmant de la sorte l'implacable réalité selon laquelle l'assurance n'est
chère qu'avant le sinistre.
Malgré toutes ces péripéties, le navire "ACDM" a pu arriver à bon port. Et je m'en félicite !
Par cette digression et cette déclamation quelque peu ennuyeuses pour vos délicates oreilles, en l'état du caractère ésotérique des termes utilisés,
j'ai entendu vous donner un aperçu, un avant-goût des thématiques qui seront abordées lors des travaux de l'Association Camerounaise du Droit Maritime. J'ai ainsi
évoqué la question de la fortune de mer, cause d'exonération du transporteur maritime sous l'empire des instruments internationaux en vigueur dans les transports maritimes
de marchandises, la question de l'abordage (accident nautique), de l'avarie commune (vieille institution du droit maritime), de la responsabilité du capitaine de navire, de l'assurance
maritime, etc. Mais, nombre d'autres sujets - non moins importants - seront également examinés et traités au sein de l'Association, comme par exemple : les conventions
internationales de droit maritime, le contentieux du transport maritime de marchandises et de passagers, les contrats d'affrètement, les saisies de navire, les privilèges et
hypothèques maritimes, les professions auxiliaires (consignataires du navire et la cargaison, entreprises de manutention, transitaire, entrepreneur de transport multimodal ou commissionnaire
de transport), le statut des gens de mer, la sécurité maritime, l'expertise maritime, etc.
C'est dire si le champ d'action potentiel de l'Association Camerounaise du Droit Maritime est dense et diversifié.
La qualité de membre de l'Association Camerounaise du Droit Maritime s'acquiert à la suite d'une demande d'adhésion validée par l'Assemblée générale. Elle devient effective dès le paiement du droit d'entrée et se maintient par le paiement des cotisations annuelles et la participation aux activités de l'Association. Le candidat doit être parrainé par deux membres à jour de leurs cotisations, sa demande d'adhésion étant adressée au Président. Le droit d'entrée est fixé à 25 000 F CFA et la cotisation annuelle à 100 000 F CFA. Alors que la cotisation annuelle peut être fractionnée, à la demande du membre qui le souhaite, et payable en quatre tranches au maximum, le droit d'entrée n'est payable qu'en une seule tranche.
Peut adhérer à l'Association, toute personne manifestant un intérêt pour les activités maritimes et connexes. Par suite, l'ACDM intéresse tous les cadres
et agents des services juridiques et contentieux des entreprises du secteur maritime, les avocats, les magistrats, les huissiers, les juristes, les économistes, les experts maritimes,
les universitaires (enseignants, chercheurs, étudiants) et j'en passe.
Au final - et c'est extrêmement important, l'Association Camerounaise du Droit Maritime n'est pas une affaire de juristes, contrairement à ce que pourrait laisser suggérer
faussement sa dénomination. Tous les opérateurs et acteurs majeurs de la vie maritime au Cameroun, qu'ils soient juristes ou non, peuvent y adhérer.
Bien qu'elle vienne à peine de recevoir son premier souffle de vie, l'Association Camerounaise du Droit Maritime a déjà quelques chantiers prioritaires à explorer. Elle
entend notamment oeuvrer en vue de l'édition du nouveau Code communautaire de la marine marchande adopté le 22 juillet 2012 par le Conseil des Chefs d'Etats, Code qui fait seul
règle depuis cette date et constitue la charte du droit maritime en Afrique centrale.
En effet, alors qu'il est en application depuis le 22 juillet 2012, faute d'exister sur support papier et sur support électronique, le nouveau Code est outrageusement contrefait et
impunément vendu à l'entrée de certains prétoires. Même les Magistrats, sensés réprimer ce délit de contrefaçon, ne sont pas
en reste et se trouvent eux-mêmes obligés de le commettre pour dire le droit, notamment en utilisant le document polycopié contrefait, comportant le paraphe et la signature
du Président de la Commission de la CEMAC. Cette situation peu digne ne peut durer indéfiniment. Aussi, convient-il d'y donner radicalement un coup de semonce, précisément
en rendant le nouveau code accessible à ses utilisateurs. L'Association Camerounaise du Droit Maritime entend s'y atteler.
De même, en raison de sa nouveauté, le Code CEMAC de la marine marchande de 2012 a besoin d'être connu du grand public, des acteurs du droit maritime. La promotion, la
vulgarisation et la mise en musique de ce code constituent un autre défi que se propose de relever l'Association Camerounaise du Droit Maritime.
Pareillement, l'Association Camerounaise du Droit Maritime compte entreprendre des démarches en vue de la traduction du Code communautaire de la marine marchande en anglais, dans
l'intérêt de nos frères anglophones, et en espagnol, pour nos voisins et amis équato-guinéens.
Par ailleurs - et sans que liste soit pour autant exhaustive, l'Association Camerounaise du Droit Maritime ambitionne légitimement de devenir membre du Comité
Maritime International (CMI) et, partant, un acteur majeur du droit maritime international. Le Comité Maritime International est une association internationale très
représentative des intérêts engagés dans le monde du shipping qui a pour mission l'élaboration des conventions de droit maritime international
privé dans l'espoir de parvenir à une harmonisation internationale des règles gouvernant les activités humaines en mer. L'oeuvre du CMI est immense,
même si, bien évidemment, elle est loin de recouvrir tout le champ du droit maritime. Pour mémoire, le projet de la nouvelle Convention des Nations Unies relative
au contrat de transport de marchandises effectué totalement ou partiellement par mer - dite Règles de Rotterdam, qui constitue le droit d'avenir, a
été élaboré par le CMI.
En Afrique, le Maroc et la Tunisie sont membres de longue date du CMI. Mais, parmi les pays de l'Afrique subsaharienne, le CMI ne compte dans ses rangs que le Nigéria et l'Afrique du Sud.
Le Cameroun devra entrer dans ce gotha sélectif, ce cénacle privilégié du droit maritime international, afin de pouvoir jouer pleinement sa partition dans le concert
des nations maritimes et servir de locomotive pour les pays francophones de l'Afrique noire.
Au surplus, le CMI organise, du 3 au 6 mai 2016, une conférence internationale dédiée à des questions de droit maritime. Ce sera l'occasion de faire connaître
notre association à la communauté maritime internationale, de porter haut l'étendard du Cameroun, notre drapeau tricolore.
L'Association Camerounaise du Droit Maritime, aux destinées de laquelle j'ai l'honneur de présider, ne saurait évoquer la question de ses futurs chantiers sans vous adresser
une doléance, voire un plaidoyer pour un retour de la Direction des Affaires Maritimes et Voies Navigables (DAMVN) à Douala, dans l'intérêt des justiciables et de
l'économie camerounaise. En effet, la délocalisation de cette direction à Yaoundé a pour inéluctable corollaire de rendre inapplicables certaines dispositions
du Code communautaire de la marine marchande, lesquelles ont été introduites dans ce code sur la base de la considération que la Direction de la marine marchande est
implantée dans la localité où se trouve le port. Comment gérer efficacement les activités maritimes et portuaires à partir de l'hinterland, de l'arrière
pays ? Les problèmes en droit maritime sont, par hypothèse, éminemment urgents et ne s'accommodent guère des lenteurs administratives. La mise en oeuvre des dispositions
de l'article 120 alinéa 1er sur la saisie conservatoire de navire portent indéniablement témoignage des difficultés rencontrées par les usagers et acteurs du droit
maritime dans notre pays du fait du dépaysement de la Direction des Affaires Maritimes et Voies Navigables et de l'absence de toute délégation des pouvoirs de l'Autorité
maritime compétente en cette matière.
L'article 120 alinéa 1er susvisé énonce, s'agissant de la procédure de saisie conservatoire de navire, que : "La saisie conservatoire est autorisée par
ordonnance rendue sur requête par l'autorité judiciaire compétente après avis de l'autorité maritime compétente".
Il suit manifestement de là que, aussi longtemps que le créancier saisissant n'a obtenu l'avis de l'autorité maritime, avis qui consiste à dire si la créance
alléguée a une nature maritime ou non maritime, le juge des requêtes ne peut signer aucune ordonnance autorisant la saisie conservatoire d'un navire.
En vertu de l'article 2 § 11 de notre Code portant droit uniforme en Afrique centrale, l'autorité maritime compétente est "le Ministre chargé de la marine marchande et
les fonctionnaires d'autorité auxquels il a délégué tout ou partie de ses pouvoirs...".
Depuis l'adoption du Code communautaire de la marine marchande - dont la toute première version date du 22 décembre 1994 et la version la plus récente du 22 juillet 2012,
les attributions de l'autorité maritime compétente ont toujours été déléguées au Directeur de la marine marchande et la Direction dont il tient
les rênes a toujours eu son siège à Douala, principale ville portuaire et siège des activités maritimes au Cameroun. Aussi bien, cette tradition, n'est-elle
pas propre au Cameroun, mais concerne tous les Etats membres de la CEMAC, à ceci près que la dénomination exacte du dépositaire des fonctions de l'autorité
maritime varie souvent d'un Etat à un autre : "Directeur des Affaires Maritimes et des Voies Navigables (Cameroun), Directeur général de la marine marchande (Gabon),
Directeur des transports maritimes et de la marine marchande (Congo)...".
En raison de la délocalisation de la Direction des Affaires Maritimes et des Voies Navigables, tout créancier maritime qui entend pratiquer une saisie conservatoire de navire,
à l'effet de sécuriser sa créance, est obligé de se rendre au Ministère des transports à Yaoundé pour déposer sa requête
accompagnée d'une demande d'avis, et attendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines pour espérer avoir l'avis sollicité. Il arrive parfois que le dossier s'égare
dans le circuit administratif. Et ce n'est pas une simple hypothèse d'école, mais une situation réelle dont a souffert un justiciable. Une fois l'avis de Monsieur le Ministre
obtenu, le créancier doit retourner à Douala pour soumettre sa requête aux fins de saisie conservatoire au Président du tribunal. Dans l'hypothèse où ce dernier
accède à ladite requête en signant l'ordonnance, après avoir pratiqué la saisie sur la base de cette ordonnance, le créancier doit retourner à
Yaoundé pour impétrer l'interdiction d'appareiller en soumettant à Monsieur le Ministre une demande qui suivra le même chemin de croix administratif. Or, le navire
est un instrument d'exploitation extrêmement coûteux dont l'immobilisation forcée est fort préjudiciable à son exploitant (armateur ou affréteur).
Vous le percevez aisément : il faut attendre, au meilleur des cas, entre trois et quatre semaines, et se rendre au moins trois fois à Yaoundé, pour obtenir l'avis de
l'autorité maritime compétente. A ce délai, il faut ajouter environ une semaine pour avoir la décision judiciaire autorisant enfin la saisie. Ce délai,
excessivement long, rend désormais impossible toute saisie de navire au Cameroun.
La délocalisation de la Direction des Affaires Maritimes et des Voies Navigables entraîne, de toute évidence, la délocalisation du contentieux maritime au profit des
seuls avocats et tribunaux étrangers, ainsi que la paupérisation corrélative des acteurs du giron judicaire au Cameroun (avocats, huissiers de justice), et un manque à
gagner pour l'Etat, du moment que les frais de justice sont réglés à l'étranger, notamment dans les pays plus permissifs et moins tatillons. En effet, sous d'autres cieux,
la décision autorisant la saisie conservatoire de navire s'obtient en 24 heures et aucun avis administratif n'est requis, la saisie étant tributaire de la seule autorisation
judiciaire.
En l'état des difficultés observées dans la mise en application du Code communautaire de la marine marchande au Cameroun et dont la saisie de navires n'est qu'un pan
insignifiant, nous vous prions, Excellence, Monsieur le Ministre des transports, de bien vouloir désamorcer les effets pervers de la lettre n° 0002397/L/MINT/SG/DAG du 4 juillet 2012
par la médiation de laquelle votre devancier ordonne à Monsieur le Directeur des Affaires Maritimes et des Voies Navigables de "prendre les dispositions nécessaires à
l'effet de procéder au déménagement de ses services de Douala pour Yaoundé au plus tard le 15 juillet 2012", notamment en déléguant à nouveau vos
prérogatives d'autorité maritime à son dépositaire originel et naturel, le Directeur des Affaires Maritimes et des Voies Navigables, et en ramenant la Direction
des Affaires Maritimes et des Voies Navigables sur son site traditionnel sis à Douala. Et, parce que le port de Kribi sera bientôt opérationnel, il serait bénéfique
que, pour les raisons sus-évoquées, l'autorité maritime ait un représentant dans ce port et même dans le port de Limbé. A défaut de quoi, il y a
fort à craindre que nombre de dispositions du Code communautaire de la marine marchande ne demeurent des coquilles juridiques vides.
Et, à propos justement du tout nouveau joyau architectural que constitue le port en eau profonde de Kribi, avec l'avènement de ce port, il coule de source que les activités
maritimes vont fleurir et même bourgeonner, les problèmes juridiques aussi. Pour tout dire, le droit maritime offrira, à tous ceux qui s'y intéressent sérieusement,
à boire et à manger.
Aussi, ne saurais-je trop insister pour que les participants, les protagonistes de la vie économique et les acteurs du giron judiciaire adhèrent massivement et sans délai
à l'Association Camerounaise du Droit Maritime. Nous devons donner à cette tribune d'expression du droit maritime la place de choix qui lui échoit de droit. Elle est, en effet,
notre maison commune, notre auberge espagnole. C'est dire que chacun doit apporter sa pierre à l'édifice. Car, dans une auberge espagnole, on ne trouve que ce qu'on a soi-même
apporté.
Je vous remercie de votre aimable attention.
God bless the Cameroon Maritime Law Association!